LIRE&VOIR.COM
par Aurélie Barragan
Les autres nouvelles 2004 (lire les avis des lecteurs)
C’était sur toutes les premières pages des journaux ce
matin :
« Une femme heurtée par un bus ».
Cela faisait 5 ans que je travaillais chez « lire&voir.com ».
J’étais arrivée à l’ouverture de la société. Benjamin, le gérant,
travaillait auparavant avec moi à la Fnac, au rayon livres étrangers. Alors
que je terminais des études en marketing, Benjamin m’a proposé de l’aider
à créer son propre site de commerce en ligne qui proposerait des livres étrangers
en français mais aussi en langue originale, ainsi que des voyages de découverte
retraçant les périples des héros de papier des pays en question. L’idée me
parut tellement originale qu’une fois mon diplôme en poche, je quittais mon
petit boulot pour réaliser ce rêve littéraire et touristique.
Très tôt, nous nous mîmes à recruter des amis ou des
connaissances susceptibles de nous rejoindre dans ce projet. Puis la société
fut créée. Six mois plus tard, alors que nous arrivions enfin à mettre de
l’ordre dans les papiers, nous pûmes mettre en ligne le site. En très peu de
temps, je trouvais de nombreux partenaires et le site devint très vite reconnu
et réputé. En un an, les ventes de livres avaient atteint des sommets mais le
nombre de voyages dépassait tellement l’objectif que nous nous étions fixé
qu’il nous fallut trouver de nouveaux voyagistes, accompagnateurs et surtout
un conseiller littéraire. Car le problème consistait surtout à proposer des
voyages où les clients pouvaient réellement retrouver les sensations qu’ils
avaient éprouvées à la lecture de tel ou tel roman… Il était rare que les
clients se plaignent de ne pas reconnaître les endroits décrits dans leurs
livres, mais lorsque c’était le cas, il nous fallait revoir le voyage immédiatement.
Une personne de l’équipe reprenait alors le ou les livres dont était inspiré
le trajet et traçait un nouvel itinéraire. Vint le moment où Benjamin décida
d’engager une personne qui s’occuperait à temps plein des lectures et
retranscriptions sur cartes touristiques. Après de nombreuses recherches
n’aboutissant à rien, Pierre, le webmestre du site, nous suggéra de
rencontrer une amie à lui, récemment diplômée en littérature à
l’Université de Londres et à la recherche d’un emploi. La lecture de son
curriculum vitae fut tellement convaincante que Marie Leblanc fut engagée dans
la semaine qui suivit son premier entretien.
Ainsi Marie commença-t-elle à m’aider en prenant contact
avec les agences de voyages et à organiser elle-même de nouvelles excursions.
Notre éditeur italien menaçait de nous lâcher et je dus me rendre sur place
à de nombreuses reprises pour trouver une alternative. C’est ainsi que Marie
prit en charge l’entière organisation des voyages. Lorsque le problème
italien fut réglé, je dus me rendre à l’évidence qu’elle se débrouillait
très bien et je la laissais faire. Nous pûmes ainsi organiser un réseau de
filiales européennes. La société s’étendait donc proportionnellement à
l’influence de Marie. Car il fallait le reconnaître, elle prenait de plus en
plus d’importance dans la société. A chaque retour de voyage, je constatais
qu’une nouvelle tâche lui avait été attribuée. Après les agences de
voyage, elle prit le contrôle des éditeurs. Elle était aimée de tous et je
m’aperçus très vite que Pierre et Benjamin ne juraient plus que par elle.
Elle assistait désormais à toutes les réunions et à tous les Conseils
d’Administration.
Cela faisait à peine un an qu’elle était là que je
craignais déjà pour mon poste dans cette société que j’avais pourtant aidé
à créer. Mais cela n’aurait rien été si elle n’avait pas commencé à
empiéter sur ma vie personnelle en même temps que sur ma vie professionnelle.
En effet, depuis plusieurs mois déjà, j’entretenais une relation avec notre
comptable, Luc. Ce qu’il y a de bien à sortir avec un collègue c’est que
l’on ne risque pas de dispute pour avoir manqué un rendez-vous car très
souvent vous êtes retenus tous les deux par le boulot au même moment. On connaît
l’emploi du temps et la charge de travail de l’autre. Je ne me rendis pas
compte tout de suite de l’influence qu’avait Marie sur Luc. Ils aimaient
tous les deux organiser des soirées où tous les gens de la boîte étaient
conviés et il arriva plusieurs fois qu’ils regroupent leurs idées pour se
faire. Je les vis donc se rapprocher et quoique je dise ou quoique je fasse,
rien ne pouvait l’empêcher.
-
« je vous
ai réunis aujourd’hui pour vous annoncer le nom de mon successeur, ou plutôt
devrais-je dire, ma successeuse : Marie Leblanc. Elle nous a prouvé à de
nombreuses reprises ses capacités et son professionnalisme. J’espère que
tout le monde s’arrangera de cette nouvelle organisation… ».
Parmi
les personnes de l’assemblée réunies ce jour-là, peu furent réellement étonnées.
Personnellement, je trouvais la nouvelle très dure à encaisser. Je
n’entendais déjà plus la suite du discours de Benjamin, j’avais la tête
qui tournait, le sol se dérobait sous mes pieds… Puis Marie pris la parole :
-
« c’est
avec un plaisir immense que j’accepte ce poste. Je suis sûre que nous
continuerons à faire un très bon travail et que l’agence américaine qui
devrait voir le jour nous apportera encore plus d’horizons nouveaux et de
clients à contenter et à faire rêver… »
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