"Hélène et moi…et Tobbie"

                                                                                                  par   Isabelle Robin

 

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 Me voilà devant cet arbre comme tous les soirs à la même heure, comme un idiot avec Tobbie.

Tobbie, c’est mon chien. Un fox terrier. S’il pouvait parler, je crois qu’il en raconterait des choses sur ma vie… Vous croyez qu’un chien peut comprendre ? Si c’était possible, j’aimerais qu’il me donne la recette, parce que moi je ne comprends vraiment rien aux femmes !

Et oui, si je suis descendu de chez moi pour promener mon chien, c’est parce que je cherchais un prétexte. Pas celui auquel vous pensez, comme si j’avais  un rendez-vous en cachette et que le chien me servirait d’alibi. Non, le prétexte pour échapper à l’humeur de ma femme.

D’ailleurs, l’idiot en train de promener son chien, et bien figurez-vous qu’il n’est pas tout seul. Il y en a plein autour de lui. Soit c’est l’heure de la promenade des chiens du coin, soit la lune joue des siennes sur l’humeur des femmes du quartier, soit c’est l’heure de la pub.

En ce qui me concerne, c’est la deuxième solution… Pour les autres, allez leur demander.

Hélène, vous ne pouvez pas vous imaginer comme elle peut m’agacer par moment. Tenez dans ces moments-là elle ressemble à sa mère. C’est d’ailleurs ce que je lui ai  dit tout à l’heure, et c’est pour ça que je suis là avec Tobbie.

Si vous êtes un homme, vous comprendrez. Si vous êtes une femme, vous allez vous dire « il est bien comme mon mari celui-là ».

Mais vous rendez-vous compte comment une femme peut être compliquée ?

 

Il y a vingt ans maintenant que nous sommes mariés. Je lui ai dit que je l’aimais, il y a vingt ans, et aujourd’hui, alors que je suis resté toutes ces années auprès d’elle, elle me reproche de ne jamais lui dire  « je t’aime ».

Pour moi, il n’y a rien de plus fatiguant que de répéter les mêmes choses à quelqu’un. Je ne supporte pas qu’on me dise dix mille fois la même chose. Pour moi, ce qui est dit ça l’est une bonne fois pour toutes.

 Elle, depuis vingt ans, elle me répète les mêmes sempiternelles choses : « quitte tes chaussures avant d’entrer, je viens de laver », «range ta veste, elle traîne tous les soirs sur la chaise », « tu ne me dis jamais… » etc… Je ne l’ai jamais entendu me répéter des « je t’aime », et je ne lui ai jamais fait de reproches à ce sujet, et ni sur les affaires qu’elle ne range pas ou les choses qu’elle ne fait pas. Non, mais alors. Et puis d’ailleurs, moi j’en ai rien à faire qu’elle me répète des « je t’aime » et du reste. L’essentiel a été dit depuis longtemps.

 Ce soir, je rentre du boulot, normalement, comme tous les autres soirs. Je frappe à la porte, déjà je l’entends bougonner parce qu’elle est obligée de se déplacer. Et même rengaine « quitte tes chaussures… ». Vous croyez que ça fait plaisir d’entendre ça quand on rentre d’une journée de travail ?

 Et puis la voilà, qui me déblatère tout ce qu’elle a fait dans la journée, avant même que j’aie pu poser ma veste sur la chaise. Elle trouve le moyen de me reprocher de ne pas ranger ma veste, et c’est reparti sur le programme de la journée. Et là, ô drame, j’ai osé ne pas remarquer qu’elle était allée chez le coiffeur et ne pas lui dire si ça lui allait. Mais, quand aurais pu voir et parler, alors que je suis arrivé depuis cinq minutes à peine, et je sais déjà que la sœur de la voisine a fait une attaque, que la femme de son patron est parti avec le boulanger, et qu’elle s’est coupé le doigt en faisant la cuisine. Non, vraiment quand aurais-je pu le dire ?  

Bon c’est vrai, que je n’avais rien vu. Je l’avoue. Mais, je n’en ai rien à faire. Est-ce qu’elle a remarqué que j’étais crevé et que j’avais fait une tache sur ma cravate ? Et oui, elle l’a remarquée la tache sur la cravate !… Pour le reste, je vous laisse deviner.

 Des détails, tout ça. La vie c’est nous. Un point c’est tout. Le reste est insignifiant. Après tout, ça fait vingt ans que c’est comme ça, et quand elle est de bonne humeur, il n’y a pas de problèmes.

 

Bon, ça fait bien une demi-heure que je suis dehors, il serait peut être temps que je remonte à l’appartement. En plus, il y a un match de foot, c’est pas que je sois fana, mais j’aime bien suivre un peu.

Allez, j’y retourne, si je ne veux pas me faire engueuler parce que le repas attend.

J’ouvre la porte, pas un bruit. C’est bon signe. Elle est dans la cuisine, et elle a l’air d’être calmée. Je quitte tout de suite mes chaussures et je range ma veste dans le placard. Vous voyez je suis sympa quand même.

J’arrive dans la cuisine. Pas de remous. Elle me dit juste « allez, viens avant que ça refroidisse ».

Je m’assoie. Silence. Tout à l’air d’être revenu dans l’ordre. Ouf ! Je vais pouvoir manger tranquillement.

Bon, je vais peut-être faire un effort. Je ne suis pas si dur que ça, et je vais le lui montrer. Je sais être aimable. Allez j’ose.

Hélène retire le couvercle de la marmite, et je m’exclame : « hum, tu nous as mitonné un petit plat, c’est … gentil … oh non encore des nouilles, on se croirait vraiment chez ta mère, tu ne sais vraiment faire que ça ? »…

 

Tobbie a eu droit à une nouvelle promenade, c’était vraiment la fête pour lui ce soir et moi j’ai raté le match de foot...

 

 

 

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