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Laëtitia
par Titouan Baraër
En
regardant brûler ces mots je repense à Elle, je me remémore toute cette
fausse histoire d’amour…Maintenant je regrette profondément mes gestes et
mon ignominie envers elle. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait cela, pourquoi
c’est tombé sur elle, un être si gentil ; ni pourquoi cette idée
m’est venue en tête.
Que
vais-je faire maintenant, vais-je la revoir ou non ? Comment va t’elle
m’accueillir si je vais chez elle ? Mal sans doute… Ça me ferait mal
qu’elle me jette, car je crois que je l’aime tout de même, mais j’ai dû
lui faire encore plus de peine… je dois me décider à la contacter ou non.
Mais tout d’abord je vais expliquer de quoi il s’agit.
Tout
a commencé en novembre, le jeudi 13 pour être précis ; je vais chercher
mon courrier comme tous les soirs, je feuillette les quelques lettres reçues et
là une enveloppe attire mon attention : elle provient de l’entreprise où
je travaille. Je m’assieds à la table du salon, décachette cette missive et,
après l’avoir brièvement parcourue, je m’effondre devant le contenu. Je me
souviens de ces quelques mots écrits en gras : « licencié » ;
« paresse digne d’un record » et « absence plus que fréquentes ».
La
dernière ligne m’informait que je devais partir avant le 31 novembre, ce qui
me laissait trop peu de temps pour trouver du travail…
Toute
la nuit je repensai à cette insignifiante page provoquant un tel changement
dans ma vie ; je suis célibataire, j’ai un revenu à peine suffisant et
maintenant je vais être au chômage ! Comment vais-je faire pour survivre ?
Ce ne servirait à rien de jouer au LOTO, je n’ai qu’une malheureuse chance
sur… beaucoup trop de gagner…
Mon cerveau torturé
trouva la réponse au petit matin : « il faut que je rencontre une
femme fortunée » me dis-je. J’ai ainsi tout de suite pensé au chat
Internet. « Je m’y mettrai dès ce soir, pensais-je, mais maintenant il
faut tout de même que j’aille bosser.
En rentrant du travail, je
me suis connecté à Internet et inscris sur un site de rencontres en espérant
avoir des résultats…
Cela faisait deux mois que
j’étais sur le chat et, depuis le jour où j’ai commencé à discuter,
je n’ai connu que des désespoirs… Mais, enfin, j’ai trouvé la femme
qu’il me faut. Je discutais avec elle depuis une semaine et, déjà, elle me
propose un rendez-vous ! Tout d’abord, je me suis méfié, trouvant que
se rencontrer maintenant était quelque peu prématuré. Mais, me disant que je
n’avais rien à perdre vu mes conditions de vie ; je tenta l’expérience
et je ne fus pas déçu.
Avant
tout, c’était une femme d’apparence gracieuse, de taille moyenne et un
petit peu enveloppée. Elle avait de l’argent, naturellement, avait un
physique intéressant mais une vision de la vie et des goûts quelques peu différents
de moi. Malgré cela, une histoire naquit entre nous…
Je
l’ai donc rencontrée en ce mois de janvier, je lui ai tout de suite plu et,
malgré que je lui aie dévoilé mon statut social, elle voulait entretenir une
relation avec moi (sans doute aussi parce qu’elle n’avait, depuis quatre
ans, pas rencontré un seul homme qui resta avec elle plus d’une semaine).
Ainsi nous nous revîmes de nombreuses fois le mois suivant.
Après
trois longs mois, nous nous couchâmes ensemble (et fîmes d’autres choses que
je ne relaterais pas car elles sont trop intimes) pour la première fois et
c’est à ce moment là qu’elle m’avoua que je lui plaisais beaucoup et,
qu’après mures réflexions, elle avait décidé de me proposer de vivre avec
elle. Pour moi, ce fut mon premier choc car je n’aimais pas véritablement
cette femme qui me demandait, là, de m’engager dans une étape importante de
nos relations. Je lui répondis que, moi aussi, j’avais besoin de réfléchir…
Ainsi,
après avoir médité sur la question en comparant les problèmes aux avantages,
je l’ai contactée tout bêtement sur Internet et lui avoua que j’acceptais.
Le
déménagement vint car on allait habiter chez elle, toutefois, je n’eus pas
grand chose à emmener car j’avais déjà vendu des objets et parce qu’elle
possédait tout le mobilier nécessaire ; je n’eus donc qu’à emporter
mes choses personnelles et mes quelques souvenirs. Grâce à la vente de mon
appartement, je pus un peu me renflouer mais il en fallait bien plus pour
recommencer une nouvelle vie…
Laetitia m’avoua que sa
fortune venait de ses parents mais aussi de sa passion : les courses
hippiques, et donc, tous les dimanches nous allions à l’hippodrome du coin
miser des sommes qui, quelquefois dépassait mon ex-salaire mensuel et je
remarquais qu’elle gagnait tout de même assez souvent car elle connaissait
bien les chevaux participant et qu’elle se renseignait régulièrement sur
leur état de santé.
Je
vais un peu parler de ma vie avec cette femme. Tout d’abord Laetitia est
dynamique, sportive et « fêtarde » mais aussi très feignante,
(plus que moi !) ; je me trouvai aussi souvent devant des corvées ménagères
aussi fatiguant que sa maison était grande car elle ne voulait pas engager une
« bonne » à cause des soi-disant vols mais grâce à ma vie de célibataire
j’étais endurci.
Dans cette villa se
trouvait de nombreuses chambres inutiles et, sur une terrasse, une piscine assez
spacieuse surplombait un parc. Nous nous y baignions souvent et toute l’année,
mais, à part la piscine, les différents sports pratiqués, les courses et les
sorties nocturnes (quelquefois libertines…), nous n’avions pas d’activité
car ma compagne ne travaillait pas et dilapidait sa fortune petit à petit et
m’interdisait de chercher un travail afin que je sois le plus souvent possible
avec elle.
Ainsi donc, nous passions
nos journées à nous prélasser au bord de la piscine ou en faisant du sport et
nos nuits à sortir ou à faire autre chose…
Ainsi,
durant une année et quelques mois, j’ai vécu avec cette femme (qui m’a
proposé le mariage plusieurs fois d’ailleurs)que j’ « aimais »
artificiellement. Vint le jour où, enfin, après avoir misé mon argent (qui était
en quelque sorte le sien) sur la combinaison gagnante aux courses, je calcula
que si je me trouvais un emploi je pouvais la quitter et acheter une petite
maison ou un appartement !
Alors,
clandestinement, j’épluchai les petites annonces en quête d’un travail qui
payait assez bien et qui n’était pas trop fatigant puisque Laetitia m’avait
donné une bonne partie de sa flemme en plus de la mienne que j’essayais de
dompter.
Enfin,
une nuit, je trouva ce que je cherchais : un poste de gardien de zoo. Je
contacta donc le responsable qui me fit passer un test et, deux semaines après,
une lettre, comme celle qui m’avait été envoyé pour mon licenciement,
m’appris cette fois que j’étais engagé.
Restait maintenant à acheter un appartement ni trop vaste ni trop petit
et surtout qui rentre dans mon budget, ce qui est quand même difficile. Ce fut
chose faite, un immeuble dans une banlieue calme, loin d’elle et vendu
exactement le prix de mon budget. Elle serait libre dans deux mois et mon boulot
de gardien commencerait dès que j’irais pour la première fois, c’est à
dire en même temps que mon installation dans mon nouveau logis.
Tout allait pour le mieux sauf
un détail : je devais annoncer à Laetitia mon projet de départ…
C’était
une journée d’hiver, froide et grisâtre ; Laetitia devait être aux
courses ou à son club de sport, je ne sais plus; je rassemblai mes dernières
affaires en vue de partir lorsque j’ai pensé qu’il valait mieux lui
expliquer pourquoi je partais. Et c’est pourquoi j’ai rédigé une lettre
argumentant ma démarche, je ne sais pas ce qu’elle en fera mais autant lui
dire…
Je
n’avais pas beaucoup de temps devant moi ni d’affaires alors mon départ
alla vite, j’avais donné un pourboire aux déménageurs pour qu’ils aillent
vite, puis un dernier regard se tourne vers ce château qu’est la demeure de
celle qui m’a servi à m’en sortir, et je pars.
Depuis
ce jour, ma vie s’est améliorée, j’ai retrouvé un emploi comme je l’ai
dit plus haut, j’ai quitté mon petit appartement que j’avais acheté pour
vivre avec une femme plus attirante quoique moins belle mais j’appréciais son
charme moral.
J’écris « j’appréciais »
car elle m’a quitté voilà quelques mois, elle a sacrifié sa maison, dans
laquelle je vis maintenant seul un mois sur deux avec l’argent du divorce et
mon salaire. J’ai un enfant qu’on se ‘’partage’’ moi et Cécile mon
ex-femme.
Je
dis, je dis, je pense mais pourtant je suis triste, je n’aurais pas du quitter
Laetitia ; de plus, depuis le feuilletage d’un dictionnaire de latin où
je découvrit que ‘’laetitia,ae,f’’
signifiait en français l’allégresse ou la fertilité, cela m’a fait réfléchir
et cette anecdote trotte et trotte dans ma tête sans que je sache pourquoi .
Cela m’avait fait remarquer que les gens n’avaient pas un nom prédestiné
car, en plus de l’épisode avec moi qui n’avait pas une fin tellement
joyeuse[…], elle était stérile depuis ses dix-neuf ans, jour où elle fut
violée et contaminée par une bactérie : le Chlamydia
responsable, à long terme, d’une obstruction des trompes entraînant une
stérilité.
Maintenant, je
suis là, devant ma cheminée allumée, je contemple sa dernière lettre que
j’ai reçue plusieurs mois après mon départ, l’adresse n’y était pas :
de connaissances en connaissances, la lettre est arrivée à bon port, comme
quoi, tout le monde se connaît…
C’est
donc une lettre qui finit cette histoire, comme elle avait commencé… Sur
cette lettre qui datait tout de même de quelques années étaient rédigées
des insultes à mon égard mais aussi une peine profonde, une incrédulité sur
mes actes car, ne l’oublions pas, je lui avais tout avoué.
Mais, dans l’enveloppe, je
reconnus aussi mon explication que je lui avais laissé sur une table, la pris
aussitôt et, de mon briquet, je la fis brûler. Néanmoins, pris de nostalgie,
je sauva une partie de ce mot que je garda précieusement… Et, qui,
maintenant, me procure l’envie de retrouver Laetitia, celle qui m’a sorti du
pétrin, de l’aimer et pourtant qui me prêche un sentiment de honte ;
c’est pourquoi j’hésite à la revoir…
C’est
ce billet que je tiens entre mes mains avec la lettre de Laetitia, ce dernier
fragment aux bords brûlés où sont écrites quelques bribes de phrases qui
prennent un autre sens qu’avant, celui d’un morceau d’une vie passée,
d’une vie brisée. Ces phrases sont écrites d’une main rapide mais agile et
toutefois pleines de sentiments ? les voici donc :
« (je
ne te) remercierai jamais assez (…)
j’étais
dans une telle impasse
Je crois que nous n’aurons plus de contact
(c’est)
sans doute mieux
(Ton)
souvenir me suivra (toute ma) vie. »
Ces
dernières phrases d’un homme sauvé de la misère et qui se sent
aujourd’hui si peiné et honteux devant son feu …
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