- La synthèse 2006 de Monique -

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                        Concours 2006

 

Voix, chuintements et cliquetis

 

Vous avez été bruyants, très bruyants ! Pourtant vous n’avez fait que respecter le sujet, vous appliquant à bien évoquer les six bruits imposés…  

Le tensiomètre : il vous conduisit très souvent chez le médecin pour une visite de routine ou un diagnostic terrible.

Mais le son équivoque de ce chuintement a parfois été celui d’une pompe, et vous avez alors laissé votre héros gonfler divers ballons, matelas ou oreillers, réparer quelques chambres à air fatiguées, ou redonner forme – et quelles formes ! – à une poupée gonflable prénommée Sainte Mère des Anges !

Plus métaphoriquement, il fut même question de « pompage et dégonflage électoral ! »… À méditer…

 

Que de fumeurs ! L’allumette craquée enflamma maintes cigarettes, ordinaires pour la plupart, et pourtant qualifiées de « bâton magique »… « La cigarette était ma compagne, ma confidente, le réceptacle de mes émotions ». D’où un sevrage difficile… Douze jours ne viendront pas à bout de l’addiction de Suzanne dans la nouvelle Cueille le jour.

Mais notre fumeur était parfois d’un tout autre standing, et nous étions alors pris dans les volutes de quelques cigares fameux : « Havane », « Monte Cristo Especial », « Romeo y Julieta ».

Toujours alors ces relents dérangeants de tabac froid…

L’allumette pourtant ne fut pas le seul apanage des fumeurs : elle permit d’allumer la chaudière, d’entrevoir dans l’obscurité le trou de la serrure, servit aussi à une « bigote pyromane » « qui pourtant ne mit le feu qu’à des cierges à l’église ». Elle déclencha aussi quelques explosions au gaz, dont un suicide.

 

Et ces voix d’aéroports ou de gares… Que de départs et de voyages !

Depuis Lyon Saint Exupéry, Roissy ou Heathrow on embarqua pour le Chili, la Havane, New York, l’Angola, l’Australie, Séville, Montréal, Tel Aviv…

« Grandeur et misère des aéroports » a dit l’un d’entre vous.

Mille déplacements d’un coin du monde à l’autre : Paris dans la garçonnière d’un vieil immeuble rue Tramassac, ou un atelier de jouets ; Lyon, rue des Tables Claudiennes, rue des Capucines, dans le quartier Saint Just…

Et aussi une maison de vacances dans la région d’Argelès, les Pyrénées et la brèche de Roland. Ah ! « La blancheur des aurores pyrénéennes… Les névés scintillant comme des colliers de diamants …» Grandiose !

Les Mésanges, établissement de cure puis aussi Las Vegas, Jérusalem (le Marché de Mahané Yéhouva), San Fernando en Andalousie, New York et « la neige dans les allées désertées de Central Park », et même un chalet isolé proche du cercle polaire.

 

Et au retour, puisqu’il faut bien revenir, tous ces tintements de clés « La clé qui tourne dans la serrure… Ce son reconnaissable entre mille  qui sonne le glas de vos souffrances et vous laisse pousser la porte de chez vous… » Que de serrures réfractaires qui font s’agacer le trousseau (« La clé résiste dans les pennes »), et cette belle métaphore « Ca résonne comme dans une cathédrale… La grosse clé, le ténor de la troupe… Un ténor et des choristes » (Marie-Thérèse Durand).

 

Et j’en arrive à ce rire de femme !

Il prit sous votre plume tous les timbres, du plus insupportable au plus délicieux. Ce fut celui d’une « folle qui se marre »… « Un rire de dinde déplacé… » « qui glousse aigu… » « un éclat de rire orgasmique ou une moquerie presque démoniaque », mais aussi un rire de petite fille, « un rire franc, sincère, chaleureux et tellement magnifique »… », « si avenant et si gai »… « pure expression de joie, un cri de vie »… » « Un doux rire prometteur »… « Il vibra comme l’aile d’un insecte contre la vitre, puis éclata en perles qui roulaient dans sa gorge »… « Un grand éclat de rire comme je les aime… la vie est belle ! »  Ce fut aussi, plus troublant, « un rire de femme offerte » (La Dinde), « un rire qui se fond dans les cris de jouissance », « le timbre si évocateur d’une féminité épanouie… le témoignage le plus simple de sa sensualité ». De quoi rêver…

 

Tant de bruits, donc… Mais il y eut aussi, pour notre plaisir, « la voix du pinson et les trilles du rouge-gorge, et le chant d’un pouillet siffleur » au sortir de la forêt (Une conversion subite, de C. Larbaig). Et puis la musique… De grands noms de la chanson et du jazz : Joe Cocker, Charlie Parker, Neil Young (« When I will see you again ? »), Renaud, de la samba et du tango, et la symphonie N°5 de Tchaïkovski.

 

Personnages et narrateurs : ce furent pêle-mêle, Luc Titou, 28 ans, un homme comme les autres, Michel, homme d’affaires, Nathalie, en cure de désintoxication, l’inspecteur Edwige et son assistant Gaëtan face à Vénissia Wyscop, la romancière de polars et auteur de Pas d’entourloupe pour les barjos, Mahmoud, jeune kamikaze palestinien, un prof de zen pour week-end zazen, un journaliste au Progrès, Louis, Pierre et André, les potes de fac devenus trentenaires, un écrivain en mal d’inspiration, Monsieur Bertaut, multimillionnaire au Loto atteint d’un cancer du foie, et cette enivrante danseuse de tango « à la robe rouge aussi échancrée qu’indécente »…

Mais les plus drôles , ce furent les psys ! Monsieur Prozakis, le Docteur Arthur Remingger  (hypno-psycho-praticien), et son chien Sigmund ! Et puis, désopilante, l’association « Les vieilles plumes ». Je cite Christian : « Ils sont spécialisés pour les gens comme vous. Beaucoup de mes patients ont participé à leur concours ces quatre dernières années et c’est très révélateur. Certains ont même réussi à s’en sortir, si ! D’autres continuent le traitement comme écrivain ou lecteur… » Quelle autodérision ! Le signe évident d’une bonne santé mentale. On est loin des « délires psychiatriques » évoqués par certain…

 

Six bruits donc, prétextes à toutes sortes d’histoires : un trajet en train, une randonnée jusqu’au refuge des Espuguettes, une invitation, un rêve (le dialogue entre un médecin et un chef d’orchestre atteint d’hypersensibilité auditive et contraint de porter des boules Quiès !), la recherche d’une amie disparue, un rendez-vous mystérieux, une filature qui tourne mal, une méprise concernant une paternité, un meurtre  (Charlie s’est retrouvé noyé dans la piscine), une enquête policière, un interrogatoire de police, diverses vengeances, attentes d’analyses médicales suivies de diagnostics de cancer ou de tumeur cérébrale, deux attentats, l’un à Jérusalem, l’autre dans une gare routière, l’évocation d’un dimanche  de solitude, et même une petite dépression, ou encore un récit daté et minuté à la manière d’Amélie Poulain.

Le récit le plus original fut sans doute celui de ces six bruits perçus par un aveugle…

 

On écrit pour raconter une belle histoire, ou un moment terrible, mais les phrases nous emmènent bien au-delà du simple récit… Il fut alors question d’écologie et de désir de paix, et vous avez, bien sûr, parlé d’amour, « cette chaleur légère qui m’enveloppait naturellement chaque  jour… j’y puisais ma force et mon équilibre comme l’eau à la fontaine (Isabelle Rolin, Une dépression… Quel imbécile !). Cet amour fut parfois une passion dévorante qui ravage « Un coup de folie… Nous vivions de la folle passion qui nous liait. De plus en plus excessive, de plus en plus possessive, à la limite de la folie » (Géraldine, dans Tango mi a mor). D’où de si belles métaphores où les pas de tango deviennent passes de muleta dans l’arène.

« Nous pouvions passer des heures sans éprouver le besoin de matraquer le temps à coups d’insignifiances météorologiques » avoue Freddy. Après  de tels moments, ces moments qui donnent « des envies d’encore », le quotidien semble bien gris, « Il est alors trop dur d’être condamné à ne plus jamais rire ensemble », et la solitude est difficile à gérer, même si elle a ses bons côtés : « Dans 20 minutes il serait chez lui : un bain chaud, une fricassée de patates et un steak saignant arrosés d’un ou deux verres de Bourgogne… Sa vieille robe de chambre et son carnet de croquis » (Marie Thérèse Durand, Un père et passe).

Nostalgie poignante des « jamais plus » après un deuil ou une rupture « J’ai le cœur serré comme un bateau pris dans les glaces », « Le temps est gris comme mon âme ». 

Quelques belles formules aussi : « Je sais, je manque de délicatesse. A mon âge, on se refait difficilement, les pièces sont plus en stock » (Didier, Dernier en quête). Sans compter « la note de taxi, aussi exorbitante que la dette du Tiers-Monde ! ».

 

Avant de conclure, je ne résiste pas à l’envie de lancer une petite pique… Il a été reproché à mon « discours » de l’an dernier son ton lénifiant et très « soft », « s’extasiant » de tout… Et bien, je persiste, et je tiens à dire, à vous tous nouvellistes, que chacune de vos nouvelles, quels que soient son style, ses qualités sa portée, quelles que soient ses maladresses et ses imperfections (n’oublions pas qu’il y a parmi vous de très jeunes écrivains que je tiens à féliciter particulièrement ce soir), toutes donc ont su nous apporter ce plaisir si particulier que donne la lecture, nous emporter simplement un instant loin de nous-mêmes, ou parfois nous troubler par leur adéquation parfaite avec nos préoccupations. Bien triste est celui qui ne voit pas cela… De nouvelles « nulles » donc, point !

 Je terminerai en nous laissant méditer ces quelques phrases, prises pêle-mêle à Isabelle, Raphaële et Alice :  

« Pourquoi avons-nous besoin d’être au centre de la tempête pou réaliser qu’on aurait peut-être pu l’éviter, se brûler aux flammes de profondes souffrances pour savoir sourire aux joies les plus simples ? »  

« La vie est trop courte… et la fortune n’y peut rien ».  

« Aujourd’hui est le premier jour du reste de votre vie ».

 

Alors trinquons, et… santé à tous !

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