Mon judas et moi  par Marie-Christine Gauzelin

                     (Lire du même auteur : "Juste le temps de boire un thé" 2004 / "Rien n'est tout noir, rien n'est tout blanc" 2005 / "Le mois des résolutions est arrivé" 2006 )

 

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Depuis peu, j’ai emménagé dans un nouvel appartement au 4ème étage d’un immeuble dit de grand standing. Mes voisins sont plutôt d’un abord difficile, c’est pourquoi je me suis fait installer un judas sur ma porte d’entrée, et pendant quelques jours je vais jouer à Madame Sanchez, je vais faire la commère afin de connaître un peu mes voisins de palier. Je vais pouvoir les épier, les dévisager sans vergogne, rien que d’y penser je jubile.

Comme je ne suis pas très grande, je me suis munie d’un petit tabouret que je place près de la porte afin de faire le moins de bruit possible lors de son utilisation.

 

Il est déjà 12h30 j’entends les portes de l’ascenseur, je me hisse prestement sur mon perchoir derrière mon judas, c’est ma voisine de droite, tirée a quatre épingles comme toujours, son rouge à lèvres impeccable cela me fait sourire car mon rouge à lèvres à moi ne tient jamais plus d’une heure quelque soit la qualité.

Elle s’essuie bien les pieds sur le paillasson, entrouvre la porte et se déchausse sur le palier et entre rapidement dans son appartement. La poussière du palier n’a pas eu le temps de rentrer chez elle, si un jour je devais pénétrer chez elle pour une quelconque raison je pendrais mes babouches d’intérieur sous le bras afin de ne pas lui apporter un stress inutile.

Mais je ne pense pas être parmi ses prochains invités, non pas qu’elle ne m’apprécierais pas mais surtout parce que je ne suis pas encore prête à accepter de m’asseoir sur le bord d’un canapé et de ne pas bouger afin de ne rien salir donc inutile de me faire un film sur la dégustation d’un café dans son salon.

 

Je descends de mon tabouret, et retourne dans ma cuisine où le ménage m’attend après une matinée de pâtisserie.

Tiens c’est bizarre j’entends l’ascenseur, à 13h je n’avais pas l’impression que mes autres voisins entraient pour la pause déjeuner, vite je me hisse sur mon tabouret, un bel homme qui sort de l’ascenseur Il regarde les noms sur les portes, il s’arrête avant ma porte chez ma voisine qui vient de rentrer. Il a un comportement bizarre, il ne sonne pas, il frappe comme un code en morse sur sa porte. Elle n’entend pas ou bien elle ne veut pas ouvrir.Il me semble qu’il l’appelle, il doit la supplier de lui ouvrir, elle n’a qu’à lui ouvrir la porte et lui dire de partir.

Il est arrivé jusqu'à devant sa porte, alors qu’il est difficile d’entrer dans l’immeuble, je crois qu’il mérite qu’elle écoute ses explications mais elle n’a pas l’air d’être de mon avis.

Et là je ne peux rien faire ni pour elle ni pour lui car je suis une observatrice et pas cupidon.

Je suis restée derrière ma porte au cas ou ma voisine aurait besoin d’aide, enfin il comprend qu’il va falloir utiliser une autre méthode pour l’amadouer et il décide de repartir.

 

Le calme reprend le dessus sur mon palier, et moi je retourne à mon ménage.

Vers 14h j’entends ma voisine de droite repartir travailler, je ne me mets pas derrière mon judas car je sais par avance qu’elle est tirée à quatre épingles, un rouge à lèvres impeccable je n’ai pas envie de l’épier d’avantage.

 

Bientôt 17h, ma voisine de gauche va rentrer et aura récupéré ses enfants à la sortie de l’école. Ils sont pleins de vie, ils se chamaillent tout le temps comme des enfants de leur age, c’est vrai qu’ils sont un peu bruyants mais tous nos enfants ont été petits aussi, il faut bien que jeunesse se passe. J’entends l’ascenseur, vite sur mon tabouret en effet c’est ma voisine de gauche avec ses deux enfants et qui comme prévu se chamaillent avec du gâteau plein la bouche on ne comprend pas bien le motif de leur dispute et je ne suis pas sûr qu’ils s’en souviennent eux-mêmes.

Une chose est sûre c’est qu’ils ont mis des miettes partout, chose pas très grave mais ils se disputent encore car personne ne veut fermer la porte.Sous prétexte que c’est toujours le même qui ferme la porte aujourd’hui personne ne ferme cette porte ! Peut être que c’est le tour des voisins de fermer la porte de leur appartement.En attendant tout le palier profite de leur dispute, ce qui me fait penser que les enfants sont bien tous les mêmes et reste des enfants longtemps.

Mon voisin, le papa des deux garnements arrive par les escaliers c’est un sportif, la discussion se continue sur le palier entre le papa et les enfants, il pousse tout ce petit monde à l’intérieur et ferme lui-même la porte .Le silence retombe sur le palier. Je redescends de mon perchoir, contente de voir que partout où il y a des enfants on trouve des miettes de gâteau partout, du bruit, et de la discussion sur les corvées partagées qui sont j’en suis sûre données toujours au même enfant !!

 

Déjà 18h, j’entends l’ascenseur, vite sur mon tabouret ah ! Je ne l’avais pas encore vue, une dame d’un âge qui m’a l’air charmante, elle prend ses clefs dans sa poche de manteau les glisse dans la serrure se retourne vers ma porte et me fait un signe de la main, un peu honteuse je descends de mon perchoir et je me demande comment elle a pu savoir que j’étais derrière ma porte.

Après réflexion, je suis persuadée qu’elle se glisse discrètement derrière sa porte elle aussi pour épier ses voisins cela m’apprendra à être indiscrète, de ce pas je range mon tabouret loin de ma porte, de toute façon je reprends le travail demain je n’aurai plus le temps de regarder par le judas.

Mais je me méfierai de ma voisine du fond !

 

 

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