Retour à l'accueil                                                                                                                                                       Retour au concours 2005  

       Les autres nouvelles 2005                                                                                                                                                   Lire les avis des lecteurs

 

L'inconnu du 31 décembre

                                                                                                                    par Laurent Hyafil

                                                                                                                        Lire du même auteur

 

 

 

Lui : Nous avons tout épluché en détail et nous arrivons à la conclusion que votre homme n’existe pas

Elle : Comment ! Mon homme n’existe pas. Il a été mon amant pendant six mois

Lui : Il n’existe pas car nous n’avons trouvé aucune trace de lui

Elle : Enfin ! Je vous ai donné la liste des hôtels où nous sommes descendus, des restaurants où nous sommes allés, l’adresse de son bureau, de son domicile.

Lui : Ah oui ! C’est vrai que l’on vous a vu a côté de lui à nombre d’endroits, mais dès que nous creusons un peu tout s’évanouit. Son identité est fausse ainsi que sa carte d’identité. Il n’a payé qu’en liquide. Il est inconnu à ce qu’il avait prétendu être son domicile, là où il était censé habiter avec sa femme. Il avait choisi un nom correspondant à une famille domiciliée à cette adresse. Son cabinet de psychologue était sous-loué au noir pour six mois payés d’avance.

Elle : Je lui ai pourtant envoyé des amies comme clientes.

Lui : Oui, il les a reçues, elles sont même très contentes de lui.

Elle : Vous n’avez donc aucun moyen de remonter jusqu’à lui ?

Lui : Aucun

Elle : Et sa photo ?

Lui : Elle ne sert à rien, il n’est pas fiché au fichier du grand banditisme. Il faudrait le rencontrer par hasard dans la rue. Encore faudrait-il qu’il n’ait pas modifié sa physionomie.

Elle : Qu’allons nous faire ?

Lui : D’abord nous voudrions revenir sur certains épisodes

Elle : Lesquels ?

Lui : Votre rencontre

Elle : Comme je vous l’ai dit, je l’ai rencontré sur Internet. J’étais cachée par un pseudonyme, et rien ne pouvait filtrer sur qui j’étais. Après un échange d’une dizaine de messages anodins, dont je vous ai donné copie, nous nous sommes vus pour la première fois à la Rotonde à Montparnasse. Le coup de foudre fut réciproque. J’ai voulu rester anonyme pendant quelques semaines. Je ne lui ai pas donné mon numéro de téléphone, c’est moi qui l’appelais, et nous allions à l’hôtel.

Lui : Voilà la première contradiction. Le hasard total préside à la rencontre, et pourtant, il avait déjà une fausse identité et une fausse profession, étrange, non ?

Elle : Vous venez de parler du hasard, il peut peut-être expliquer beaucoup.

Lui : Il vient ensuite coucher chez vous deux à trois fois par semaine jusqu’à cette fameuse soirée du 31 décembre. Rappelez-nous donc le déroulement des faits.

Elle : Il tenait à ce que nous réveillonnions ensemble dans un restaurant proche qu’il avait repéré. Je n’étais pas très favorable car j’étais invitée chez des amis où il aurait pu venir, mais il a insisté, il préférait un tête à tête amoureux. Quinze minutes avant minuit il m’a dit : je voulais te faire une surprise à minuit, mais je l’ai oubliée chez toi, donne moi tes clés, je reviens.

Lui : C’était la première fois que vous lui confiiez vos clés ?

Elle : Oui

Lui : Et sur le trousseau se trouvaient les clés permettant de désactiver l’alarme du tableau.

Elle : Non, cette alarme est toujours active, si quelqu’un essaye de le décrocher, un bruit fulgurant et un appel au commissariat. La clé permettant de la désactiver est dans mon coffre à la banque, vous pourrez vérifier qu’elle n’est pas sortie ce soir là. Je sais bien que sinon votre Compagnie ne me dédommagerait pas.

Lui : Bien ! Et la suite ?

Elle : Les voisins me l’ont racontée. Juste avant minuit, la télévision s’est mise à hurler à tue-tête avec un enchaînement des grands classiques, depuis « La danse des canards » jusqu’à « Ce soir on va danser ». Pendant ce temps, il a arraché le tableau et il est parti avant que la police, absorbée sans doute par la fin de l’année, n’arrive.

Lui : Cette œuvre de votre père n’était chez vous qu’en attendant qu’il conclue la donation qu’il était en train de négocier avec le Centre Pompidou. Votre père souhaitait que l’ensemble de ses œuvres non-vendues soit donné au musée. Vous aviez beaucoup insisté pour qu’il vous la prête, et vous aviez pris une assurance à votre nom, pourquoi ?

Elle : Mon père avait une relation étrange avec ses œuvres. Il n’avait jamais voulu m’en prêter ni m’en donner une seule. Il n’a accepté que de façon transitoire. C’était pour moi une occasion exceptionnelle, je m’assumais enfin comme la fille du grand peintre Pation. Quand mon père me l’a prêtée, il m’a dit : « assure-toi, je ne veux pas payer les primes ».

Lui : Vous auriez pu payer les primes et mettre votre père bénéficiaire

Elle : Je n’y ai même pas pensé et votre Compagnie ne me l’a pas suggéré. Je ne croyais pas un vol possible, vu les conditions de sécurité que vous aviez imposées.

Lui : C’était effectivement très difficile, mais quelqu’un y est arrivé, c’est remarquable

Elle : Oui, on trouve des chefs d’œuvre dans tous les domaines

Lui : Vous ne nous avez pas encore parlé de vos problèmes financiers

Elle : Quels problèmes financiers ?

Lui : La rumeur court que votre agence de publicité est au bord du dépôt de bilan, et que faute d’une injection massive d’argent, vous allez devoir céder la majorité

Elle : Laissez donc les rumeurs courir

Lui : Tiens, c’est quoi ce morceau de papier presque entièrement brûlé dans la cheminée ?

Elle : C’est effectivement étrange je n’ai pas fait de feu depuis longtemps et je n’habite plus ici depuis le 31 décembre

Lui : En le dépliant, j’ai l’impression que c’est votre écriture, je vous le lis à haute voix : « Remercierai jamais assez….j’étais dans une telle impasse…Je crois que nous n’aurons plus de contact, ….,sans doute mieux,…..,souvenir me suivra toute ma vie.

Elle : Quel imbécile !  

 

 

Lire du même auteur : "Je ne t'ai pas quitté" 2ème prix 2004

Retour à l'accueil                                                                                                                                                       Retour au concours 2005  

       Les autres nouvelles 2005                                                                                                                                                   Lire les avis des lecteurs