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L'inconnu du 31 décembre
par Laurent Hyafil
Lui :
Nous avons tout épluché en détail et nous arrivons à la conclusion que votre
homme n’existe pas
Elle :
Comment ! Mon homme n’existe pas. Il a été mon amant pendant six mois
Lui :
Il n’existe pas car nous n’avons trouvé aucune trace de lui
Elle :
Enfin ! Je vous ai donné la liste des hôtels où nous sommes descendus,
des restaurants où nous sommes allés, l’adresse de son bureau, de son
domicile.
Lui :
Ah oui ! C’est vrai que l’on vous a vu a côté de lui à nombre
d’endroits, mais dès que nous creusons un peu tout s’évanouit. Son identité
est fausse ainsi que sa carte d’identité. Il n’a payé qu’en liquide. Il
est inconnu à ce qu’il avait prétendu être son domicile, là où il était
censé habiter avec sa femme. Il avait choisi un nom correspondant à une
famille domiciliée à cette adresse. Son cabinet de psychologue était sous-loué
au noir pour six mois payés d’avance.
Elle :
Je lui ai pourtant envoyé des amies comme clientes.
Lui :
Oui, il les a reçues, elles sont même très contentes de lui.
Elle :
Vous n’avez donc aucun moyen de remonter jusqu’à lui ?
Lui :
Aucun
Elle :
Et sa photo ?
Lui :
Elle ne sert à rien, il n’est pas fiché au fichier du grand banditisme. Il
faudrait le rencontrer par hasard dans la rue. Encore faudrait-il qu’il
n’ait pas modifié sa physionomie.
Elle :
Qu’allons nous faire ?
Lui :
D’abord nous voudrions revenir sur certains épisodes
Elle :
Lesquels ?
Lui :
Votre rencontre
Elle :
Comme je vous l’ai dit, je l’ai rencontré sur Internet. J’étais cachée
par un pseudonyme, et rien ne pouvait filtrer sur qui j’étais. Après un échange
d’une dizaine de messages anodins, dont je vous ai donné copie, nous nous
sommes vus pour la première fois à la Rotonde à Montparnasse. Le coup de
foudre fut réciproque. J’ai voulu rester anonyme pendant quelques semaines.
Je ne lui ai pas donné mon numéro de téléphone, c’est moi qui
l’appelais, et nous allions à l’hôtel.
Lui :
Voilà la première contradiction. Le hasard total préside à la rencontre, et
pourtant, il avait déjà une fausse identité et une fausse profession, étrange,
non ?
Elle :
Vous venez de parler du hasard, il peut peut-être expliquer beaucoup.
Lui :
Il vient ensuite coucher chez vous deux à trois fois par semaine jusqu’à
cette fameuse soirée du 31 décembre. Rappelez-nous donc le déroulement des
faits.
Elle :
Il tenait à ce que nous réveillonnions ensemble dans un restaurant proche
qu’il avait repéré. Je n’étais pas très favorable car j’étais invitée
chez des amis où il aurait pu venir, mais il a insisté, il préférait un tête
à tête amoureux. Quinze minutes avant minuit il m’a dit : je voulais te
faire une surprise à minuit, mais je l’ai oubliée chez toi, donne moi tes clés,
je reviens.
Lui :
C’était la première fois que vous lui confiiez vos clés ?
Elle :
Oui
Lui :
Et sur le trousseau se trouvaient les clés permettant de désactiver l’alarme
du tableau.
Elle :
Non, cette alarme est toujours active, si quelqu’un essaye de le décrocher,
un bruit fulgurant et un appel au commissariat. La clé permettant de la désactiver
est dans mon coffre à la banque, vous pourrez vérifier qu’elle n’est pas
sortie ce soir là. Je sais bien que sinon votre Compagnie ne me dédommagerait
pas.
Lui :
Bien ! Et la suite ?
Elle :
Les voisins me l’ont racontée. Juste avant minuit, la télévision s’est
mise à hurler à tue-tête avec un enchaînement des grands classiques, depuis
« La danse des canards » jusqu’à « Ce soir on va danser ».
Pendant ce temps, il a arraché le tableau et il est parti avant que la police,
absorbée sans doute par la fin de l’année, n’arrive.
Lui :
Cette œuvre de votre père n’était chez vous qu’en attendant qu’il
conclue la donation qu’il était en train de négocier avec le Centre
Pompidou. Votre père souhaitait que l’ensemble de ses œuvres non-vendues
soit donné au musée. Vous aviez beaucoup insisté pour qu’il vous la prête,
et vous aviez pris une assurance à votre nom, pourquoi ?
Elle :
Mon père avait une relation étrange avec ses œuvres. Il n’avait jamais
voulu m’en prêter ni m’en donner une seule. Il n’a accepté que de façon
transitoire. C’était pour moi une occasion exceptionnelle, je m’assumais
enfin comme la fille du grand peintre Pation. Quand mon père me l’a prêtée,
il m’a dit : « assure-toi, je ne veux pas payer les primes ».
Lui :
Vous auriez pu payer les primes et mettre votre père bénéficiaire
Elle :
Je n’y ai même pas pensé et votre Compagnie ne me l’a pas suggéré. Je ne
croyais pas un vol possible, vu les conditions de sécurité que vous aviez
imposées.
Lui :
C’était effectivement très difficile, mais quelqu’un y est arrivé,
c’est remarquable
Elle :
Oui, on trouve des chefs d’œuvre dans tous les domaines
Lui :
Vous ne nous avez pas encore parlé de vos problèmes financiers
Elle :
Quels problèmes financiers ?
Lui :
La rumeur court que votre agence de publicité est au bord du dépôt de bilan,
et que faute d’une injection massive d’argent, vous allez devoir céder la
majorité
Elle :
Laissez donc les rumeurs courir
Lui :
Tiens, c’est quoi ce morceau de papier presque entièrement brûlé dans la
cheminée ?
Elle :
C’est effectivement étrange je n’ai pas fait de feu depuis longtemps et je
n’habite plus ici depuis le 31 décembre
Lui :
En le dépliant, j’ai l’impression que c’est votre écriture, je vous le
lis à haute voix : « Remercierai jamais assez….j’étais dans une
telle impasse…Je crois que nous n’aurons plus de contact, ….,sans doute
mieux,…..,souvenir me suivra toute ma vie.
Elle : Quel imbécile !
Lire du même auteur : "Je ne t'ai pas quitté" 2ème prix 2004
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