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Les haricots de Béber
par Jean Robin
Quand la porte s’ouvrit avec une telle violence, que les
gongs s’en rappellent encore, ce ne pouvait être que le légendaire
inspecteur SAURE, armé des son imposante carrure à faire peur même au yeti.
- Eh inspecteur, vous savez lire, c’est quoi qu’il
y a d’écrit sur la porte ?
- Placard à balais, je crois !
- Trop drôle, trop drôle inspecteur, z’avez raté
votre vocation, vous
auriez dû être comique, d’ailleurs je suis sûr que vous auriez …..
mieux réussi, enfin si vous voyez ce que je veux dire.
Comme visiblement vous ne savez pas lire je vais le faire
pour vous, il y a d’écrit : «Laboratoire d’analyse et de recherche
scientifique de la police judiciaire».
- C’est bien ce que je dis, placard à balais,
insista l’inspecteur.
Beber le seul experts occupant le labo regardait le plafond
et ne savait plus s’il fallait
exploser de rire ou ne pas relever.
- J’ai du boulot pour toi le mickey en pyjama blanc.
- Pas le temps inspecteur je suis en plein travail
répondit Beber en regardant le fond du labo.
Le regard expert et vif de l’inspecteur identifia immédiatement
un creuset sous lequel un bec bunsen brûlait. Il s’en approcha avec la
rapidité de l’éclair nécessaire à un policier qui court après un voleur,
et stupéfait, vit un superbe cassoulet en court de cuisson.
- Mais c’est un cassoulet, c’est pas du boulot !
-
Quel sens de l’observation, inspecteur, j’y crois pas, finalement vous
êtes vraiment fait pour être dans la police, ne pu s’empêcher de faire
remarquer Beber.
- C’est une preuve inspecteur, une preuve, elle a été
découverte dans une affaire de mœurs. Je l’analyse. Je sais, je sais, mon
travail n’est pas toujours facile, mais je lutte inspecteur, je lutte. Pensez
bien que je souffre de devoir charcuter ce pauvre cassoulet qui
n’a pour erreur que de s’être trouver là au mauvais moment.
- Mais vous me
prenez pour un idiot ou quoi ?
- Laissez tomber le quoi, lança
Beber.
C’est
du sérieux. On nous a apporté la boîte hier, et je ne vous dis pas dans quel
état, c’était trop horrible à voir. Comme d’habitude un de vos agents
avait trop serré les menottes. La boîte était éclatée, on entendait tous
les haricots crier, tellement ils étaient écrasés. Un vrai génocide. Je
pense qu’on pourrait même le classer en crime contre l’humanité.
- Décidément tu seras toujours aussi idiot mon pauvre
garçon, il y a des moments où je me demande si je ne devrais pas t’arrêter
et te faire interner.
- Quand vous en arriverez à moi c’est qu’il n’y
aura plus rien à chasser dehors, et je crois que c’est pas demain la veille
mon pauvre inspecteur, et puis si tous les méchants étaient comme moi, nous
n’aurions pas besoin d’un fin limier comme vous, n’est-ce pas ?
- C’est ça insiste un peu plus, c’est gratuit.
Mais qu’est que je t’ai fait pour mériter tout ça ?
- Rien, c’est que … Il suffit de vous regarder et
... le reste vient tout seul. Il y des gens comme ça, et vous en êtes un digne
représentant, désolé. C’est quand même fantastique que vos parents vous
ait donné comme prénom William. William SAURE hein que c’est beau ?
Oh, mais je crois que c’est l’heure de l’analyse, il
est midi, excusez-moi inspecteur, j’ai du boulot.
- Non mais c’est important, j’ai besoin de ton avis
sur un indice qu’on a trouvé ce matin sur le lieu d’un meurtre. Déconne
pas ça pourrait nous aider.
- Mais c’est qu’elle deviendrait toute douce la
vilaine brute ! Montrez voir si ça m’intéresse votre truc.
L’inspecteur SAURE ouvrit le dossier qu’il avait avec lui
et en sortit une pochette transparente dans laquelle on pouvait deviner un
morceau de papier brûlé. Il la tendit à Beber qui par son regard lui fit
comprendre de la poser sur son bureau.
Penaud et tout inquiet il s’exécuta.
Beber était déjà au fond de son labo, une cuillère à la
main en train de goûter son repas du midi.
- C’est pas vrai, c’est pas assez chaud, faut un peu
de cuisson, vous avez de la chance inspecteur, j’ai cinq minutes devant moi.
- Que dieu me bénisse, un peu d’intérêt dû à un
cassoulet froid. Serai-je en train de remonter dans ton estime
- Eh, faut pas s’emballer inspecteur, pour remonter
il aurait déjà fallu y être un jour, alors pas de panique et contrôlez-vous,
et d’abord on n’est pas copains d’accord ?
Vexé, l’inspecteur ne savait plus où se mettre, et alla
se poser sur une chaise à côté de la porte d’entrée alors que Beber
regagnait son bureau.
Beber saisit la pochette et la regarda attentivement puis la
reposa.
- Alors Beber t’en penses quoi ?
- Pas grand-chose
inspecteur, j’ai vu mieux.
- Comment ça ?
- Du fait sur mesure.
- Que veux-tu dire, par du fait sur mesure ?
- Un papier ne brûle pas de cette manière si on l’y
force pas.
- Tu veux dire que c’est volontaire ?
- Oui, vous pourrez toujours essayer de brûler un
morceau de papier dans une cheminée ou autre, vous n’obtiendrez jamais ce résultat.
Le papier va commencer à brûler sur le pourtour pour s’enflammer d’un seul
coup. Pour obtenir un tel résultat, il faut tenir le papier et l’approcher
d’une source de chaleur pour en brûler comme on le veut. Ensuite vous le
laissez rapidement au-dessus de cette même source pour y donner un aspect brûlé
en plein centre, et le tour est joué.
Rien de spécial inspecteur.
- Tu dis tout ça pour t’éviter du travail, dis moi ?
- Pas du tout ce n’est que la stricte vérité. Maintenant
si vous voulez que je fasse toutes
les analyses d’usage, revenez demain pour les résultats.
- Je ne suis pas plus avancé, moi qui croyais obtenir un
semblant de piste avec ce papier.
- Parce que vous n’avez rien ! Oh là là c’est
l’horreur ! Allons inspecteur un peu de sérieux et vous allez y arriver
à coffrer ce vilain brigand qui a tué votre gentille victime. Au fait c’est
qui … qui a trépassé ?
- Elle se nomme Sylvie DARU. Vous avez tout dans le dossier.
Une jeune femme d’environ vingt cinq ans, simple, pas mal, enfin madame tout
le monde quoi.
- Il faut se méfier des « madame tout le monde »
elles sont souvent plus compliquées que ce qu’on en pense, et je vous parle
en connaissance de cause. Avant d’être ici je décortiquais les cadavres, les
« monsieur et madame tout le monde ». Et bien je peux vous dire
qu’ils étaient souvent loin d’être simples. Mais cela ne veut pas dire que
votre macchabée ne l’est pas.
- On l’a retrouvée nue dans sa chambre, sur son lit, un
couteau entre les omoplates. Ce sont ses collègues de travail qui ont donné
l’alerte, ne la voyant pas venir au boulot.
- Pas de traces de lutte ?
- Non rien. Tout ce qui m’intrigue, ou devrais-je dire
intriguait, c’était ce petit morceau de papier. Il était posé sur la table
de la cuisine, comme si on l’avait mis là en évidence pour dire quelque
chose.
- Et en plus ça marche, puisque vous y avez de l’intérêt.
- Oui et non, je ne sais pas, je suis partagé. Il y a comme
une petite force en moi qui me dit que ce petit papier a de l’importance.
- Il faut donc croire qu’elle connaissait son meurtrier, si
elle était à poils sans avoir lutté. Normalement on ne se dépoile pas devant
le premier venu. En tout cas pas si on est madame tout le monde ! Vous avez
cherché du côté d’un petit copain, une rupture, un éconduit, une jalouse?
- On regarde, mais je n’y crois pas.
-
C’est trop facile inspecteur, les quelques mots laissent penser exactement ce
à quoi vous pensez. Pour moi c’est du monté de toute pièces. Rien à voir
avec le meurtre.
C’est quoi son boulot à la petite dame ?
L’inspecteur se tenait la tête entre ses mains, comme
effondré par les déclarations de Beber. Il ne savait plus dans quelle
direction aller.
- Elle était bibliothécaire. Petit boulot pépère, ses
patrons étaient contents d’elle, ses collègues de travail aussi, rien de spécial.
Mais ce mot me hante Beber. J’ai vraiment l’impression
qu’il veut dire quelque chose, qu’il a envie de parler.
- Puisque vous le prenez comme ça je vais me lâcher. Ça
vous fera sûrement plaisir.
En réalité, votre gonzesse s’est tapée une autre
gonzesse et l’autre nana lui a écrit un petit mot de rupture. Ça
lui coûtait beaucoup à la minette de
Pour lui montrer tout son intérêt, votre rôti froid a brûlé
sa lettre devant l’autre. Ni une ni deux, elle lui a collé un coup dans le
dos.
C’est simple, c’est beau et ça marche, voila pourquoi
elle ne s’est pas méfiée.
Si vous en voulez d’autres, je peux vous en trouver ?
- Non c’est bon j’ai compris, mais remarque, c’est pas
mal ton délire !
- Ce type de mot veut tout dire et ne rien dire. On aurait pu
dire qu’elle avait eu une autre liaison que celle de son copain. Rupture,
meurtre. Ou alors c’est purement professionnel. Elle cherchait un livre, c’était
l’impasse, plus de contact, un concurrent, il vaut mieux que ses patrons ne le
sachent pas. Et la dernière ligne
est le titre du livre.
On peut tout imaginer inspecteur.
- Ouais, j’ai bien compris ce coup-ci. Je vais continuer à
chercher parmi ses proches et ses connaissances. Merci quand même.
- C’est un vrai plaisir de travailler avec vous inspecteur,
revenez quand vous voulez.
Beber tendait le dossier et SAURE se leva pour le prendre
avec un air dépité, mais content.
- Au fait j’ai une chose à te dire Beber.
- Allez-y inspecteur, je vous en prie pas de félicitations,
vous me faites rougir !
- T’inquiètes pas, c’est juste pour te dire que ton
cassoulet est brûlé…. comme le papier. Et là je connais le coupable,
c’est moi. A plus Beber.
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