JUDAS ! Non...mais si !  par Christian Malosse

 (Lire du même auteur : "Le stérilet de Mattieu..." 5ème prix 2003 / "Aux conjoints du monde entier" 2004 /

  "Pardon Georges " 2005 / "Ah...psy !" 2006 / Voir aussi "Aux frontières du concours" )

 

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Que n'ai-je entendu lors de l'installation de ce judas !

"Mais à quoi ça va servir, c'est ridicule, etc..."

 

Et pourtant, dès sa mise en service, la curiosité de toute la famille a justifié sa mise en place. Petits et grands qui passaient vers la porte jetaient systématiquement un coup d'œil à travers.

Cela m'a beaucoup amusé surtout quand je repensais aux reproches faits quelques temps plus tôt...

C'en était même devenu pénible car je devais déloger les enfants, jeunes encore, qui restaient véritablement suspendus (juchés sur un tabouret) à cet œil fouineur. Ils pouffaient de rire à la moindre occasion avec le manque de  discrétion qui les caractérise.

Le pire est que ma femme s'en est amusée elle aussi. Je ne disais rien, de peur de me faire réprimander mais j'éprouvais une grande joie intérieure en la regardant faire.

Puis, peu à peu, il est retombé dans l'oubli. Les enfants se sont lassés et ont grandi. Ma femme s'est désintéressée aussi...sauf moi, son plus fidèle utilisateur.

Et oui, j'avoue m'en servir encore tous les jours : voyeur, moi ? Non.

 

Historiquement, cet appareil est connu depuis...2000 ans car c'est à travers lui que peu ou prou Jésus fut reconnu. Des écritures nous rappellent que :

 

Le 6 avril 30 après Jissé, une foule conduite par Judas est venue arrêter Jésus dans les jardins de Jaidesémani les oliviers :

"Comme il parlait encore, voici qu'une foule arriva ; et celui qui s'appelait Judas des douze marchait devant elle avec le mauvais oeil. Il s'approcha de Jésus, pour le regarder de plus près. Et Jésus lui dit : Judas, arrête ton char, tu y vois toujours aussi mal et tu t'es encore trompé pour livrer le Fils de l'homme, sûr !"

"Alors Judas, qui avait louché, voyant qu'il était condamné à porter des verres, emporta trente pièces d'argent chez Ben Hur de Coptik 30 en disant : J'y vois que dalle !! Le marchand répondit : Cela te regarde et il se retira."

Raoul (05.01-07)


Depuis ce jour, son utilisation s'est répandue à travers le monde.

Il est devenu un simple objet, une petite ouverture dans une porte pour voir sans être vu...

 

 

Et je ne m'en lasse pas !

Mais que vois-je, que puis-je apercevoir depuis si longtemps ?

Bien sûr toujours le même morceau de couloir avec les mêmes autres portes. Elles changent lorsqu'un coup de  pinceau leur fait reprendre un peu de couleur.

Et je peste et je râle quand l'ampoule de ce satané couloir est grillée car elle me prive de ce petit plaisir bien innocent qui est de regarder ce qui se passe.

Ma femme me dit alors invariablement : "Eh bien change-là toi-même cette ampoule, ça ira plus vite !"

 

La nuit quand je reprends mon poste d'observation privilégié, je ne vois que l'obscurité avec parfois la surprise du couloir qui s'allume ou d'une porte qui s'ouvre avec la personne qui en sort.

 

Dès le matin, je guette le passage soit furtif d'un simple déplacement soit attardé de quelqu'un qui vient jusqu'à moi pour entrer.

Je dois alors laisser mon observatoire presque à regret pour ouvrir !

 

C'est le soir assurément qu'il y a le plus de passage quand tout le monde rentre et regagne son coin pour ressortir parfois aussitôt et revenir.

 

Les années ont passé. Maintenant, je suis vieux et seul. J'ai gardé cette habitude. Je guette encore plus qu'avant, si c'est possible, bien que maintenant il n'y ait plus grand monde qui passe.

Les enfants ne viennent pas souvent, ma pauvre femme n'est plus. Elle se sera moquée gentiment de moi jusqu'au bout : "Tu es encore derrière ton truc, mais tu n'as donc rien d'autre à faire !". Elle me manque.

 

Mes petits-enfants sont ravis. Ils ont découvert ce jeu et ont pris la relève de leurs parents. Ce sont eux désormais qui prennent le tabouret et pouffent de rire. Et mes enfants de dire : "Enfin papa, tu n'es pas fatigué de regarder derrière ton judas depuis tout ce temps, les enfants font comme toi !".

 

 

Leur plus grand reproche ?

"Maman avait raison : c'est vraiment stupide d'avoir installé un judas sur la porte des WC...".

 

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